Pourquoi les seniors ne veulent-ils plus aller en Ehpad ?

11 avril 2024 17:58

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Selon le Sénat, le taux d’occupation des chambres en Ehpad a chuté en 4 ans, passant de 93% en 2019 à 88% en 2023. De plus en plus de seniors font le choix de rester à domicile plutôt que d’intégrer une maison de retraite. Pour ceux qui le peuvent, ils mettent tout en œuvre pour reculer leur entrée dans un établissement spécialisé.

La loi "Bien vieillir" ne fait pas l’unanimité  

Les députés ont approuvé la loi "Bien vieillir" proposée par le gouvernement, cependant, l'opposition a souligné les lacunes du texte et considéré que les ressources financières ne correspondaient pas aux défis pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées.

L’Assemblée a adopté mardi 19 mars 2024 la loi "Bien vieillir", un premier pas jugé par beaucoup insuffisant sur la voie d’une loi "Grand Age" maintes fois promise par le gouvernement mais dont l’avenir semble incertain dans un contexte budgétaire plus que tendu.

Le texte prévoit de sanctuariser le droit de visite dans les Ehpad, après le traumatisme vécu par de nombreuses familles lors de la crise du Covid-19. Une mesure a largement été débattue dans les deux chambres : le droit pour les résidents en Ehpad d’accueillir leur animal de compagnie. Un compromis a finalement été trouvé entre le droit opposable voté par l’Assemblée et le dispositif facultatif voté par le Sénat. Le texte prévoit également la création d’un service départemental de l’autonomie, un guichet unique pour décloisonner les politiques en faveur des personnes âgées et en situation de handicap, et instaure une instance départementale de signalement des cas de maltraitance.

Au cours des débats, le député PS Jérôme Guedj a dénoncé le “mépris” du gouvernement pour le Parlement, et l’absence de “continuité de la parole” du pouvoir exécutif. “Ce n’est pas de chiens et de chats dont on a besoin dans les Ehpad, c’est d’infirmiers et d’infirmières”, a-t-il asséné avec colère.

Ces mesures ne semblent pas suffisantes pour réhabiliter l’image des maisons de retraite, largement entachée par le scandale Orpea. En effet, le 26 janvier 2022, Victor Castanet, un journaliste d’investigation indépendant publiait un livre enquête, “Les Fossoyeurs". Il révélait au grand public un système de maltraitance organisé des personnes âgées dans le groupe des Ehpad privés Orpea, les conditions de travail difficiles du personnel ainsi qu’un usage abusif des fonds publics de la part d’Orpea. Ce scandale a rejailli sur l’ensemble des maisons de retraite déjà en souffrance suite à la crise sanitaire du Covid-19 et au manque de personnel. C’est dans ce contexte que les Ehpad ont dû faire face à l’inflation et la hausse des coûts (énergie - notamment, alimentation, revalorisations salariales…) qui impactent (sur le plan financier) aussi bien les établissements que les pensionnaires.

Ces éléments font que les seniors et leurs familles privilégient , tant faire se peut, de vieillir à domicile plutôt qu’en Ehpad. D'après le Sénat, le taux d'occupation des chambres a enregistré une forte baisse en quatre ans, tombant de 93% en 2019 à 88% en 2023. En cause ? Le virage domiciliaire, la crise de confiance des résidents et de leurs proches envers les établissements et les difficultés de recrutement de personnel. Mais aussi, une inflation non-compensée par les tarifs d’hébergement,  ce qui a entamé les ressources des établissements. En 2023, la Fédération hospitalière de France (FHF) estime que 75% des Ehpad publics sont en déficit. 


L’avis sans phare de Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Agées)

Lors d’un entretien accordé au site Newsday, Pascal Champvert explique très simplement, les raisons pour lesquelles de plus en plus de Français expriment une certaine défiance vis à vis des Ehpad : “On a moins envie d’y aller, c’est la combinaison de deux effets, l’effet Orpéa puis l’effet ministère. Lorsqu’il y a une erreur dans un commissariat, le ministre réitère son soutien aux policiers et mène une enquête dans le commissariat concerné. Lorsqu’il s’agit du secteur des personnes âgées, l’État déclare "je n’ai aucune méfiance à l’égard des professionnels, mais je contrôlerai tout le monde", ce qui suscite l’inquiétude de tous les Français.”

Le président de l’AD-PA estime qu’il y a de gros dysfonctionnements dans le secteur des Ehpad. Selon lui, “Les moyens nécessaires à l’accompagnement des personnes âgées ne sont pas prévus dans les établissements. Et de plus, le modèle Ehpad qui date des années 2000 ne prend pas en compte les attentes des personnes âgées et donc il est gravement dysfonctionnel. 75% des Ehpad sont en déficit. Et avec la baisse du taux d’occupation, la situation ne peut qu’empirer.” Et de poursuivre : “Quand vous interrogez les personnes âgées, elles vous disent que ce qu’elles veulent, c’est la liberté, mais le modèle des maisons de retraite est basé sur la sécurité. Quand on force les gens à entrer, forcément, la première envie qu’ils ont est de sortir et donc on est obligé de fermer les établissements, ce qui ne donne pas envie aux autres… Ce modèle marche sur la tête !”

Pascal Champvert n’est guère optimiste quant à la situation des Ehpad. Il estime que depuis le scandale Orpea, les choses ont empiré, déclarant : “Les établissements sont encore plus sous-financés qu’avant, donc non seulement la situation ne s’améliore pas, mais elle empire. Cela explique pourquoi les Français n’ont plus confiance et préfèrent rester chez eux, même s’ils ne sont pas mieux accompagnés.”


Témoignages de seniors peu amènes à intégrer un Ehpad

Interrogée par BFMTV, Magdalena Augustin, 82 ans, s'occupe au quotidien de son mari malade, âgé de 10 ans de plus qu'elle. Elle n'imagine un placement en Ehpad qu'en dernier recours. “À la maison, on a nos petites habitudes. Tous les jours on a les aides soignantes qui viennent. On n'a pas des kilomètres à faire pour aller le voir et se dire qu'il n'est pas bien là-bas", déclare-t-elle.

Pour sécuriser son domicile, Magdalena Augustin a fait appel à une association qui aide les personnes âgées à débloquer des financements d'État pour financer des travaux d'aménagements. Elle peut ainsi "bénéficier d'une aide de la Maison Départementale de l'Autonomie (MDA), de l'Agence Nationale de l’Habitat (Anah) et de la complémentaire retraite", indique Aurélie Duphil, ergothérapeute de l'association Solidaires pour l'habitat (Soliha).

Financièrement, les deux retraités sont "largement gagnants" à rester chez eux après avoir sécurisé le domicile, assure la professionnelle. Selon la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie (CNSA), une chambre seule en Ehpad, habilitée à l'aide sociale, coûte en moyenne plus de 1900€ par mois.

Pour le magazine 20 minutes, plusieurs lecteurs seniors et leur entourage se sont confiés sur leur relation aux Ehpad. Bernard, 73 ans déclare : “Ehpad rime avec prison. Je ferais tout pour ne pas aller en Ehpad, ajoute le septuagénaire. J’utiliserai tous les moyens possibles pour un maintien à domicile. Si on pense à une espérance de vie de l’ordre d’une petite année lorsqu’on rentre en Ehpad, c’est quasiment l’année de trop. J’attends de la société qu’elle nous donne les moyens de partir dignement, tranquillement sans avoir à recourir à des méthodes violentes ou dégradantes. De celles qui laissent un mauvais souvenir aux enfants et petits-enfants.”

Maria partage le même avis. Elle héberge sa maman de 86 ans depuis 7 ans car ne supporterait pas de la voir vivre en Ehpad. “Elle a besoin d’attention permanente et je ne serai pas tranquille en la sachant livrée à elle-même. Je crains les chutes et la malnutrition ou la déshydratation car il faut constamment la motiver pour s’alimenter.” Convaincue que les personnels ne seraient pas assez attentionnés envers sa maman, Maria estime que “ces établissements manquent cruellement de bras pour s’occuper comme il le faut de chaque résident : on le sait, mais rien ne semble changer : la toilette est bâclée, les repas expédiés.”

Luw, 33 ans, ne transige pas : “je travaille en Ehpad et je ferai tout pour éviter d’y envoyer l'un de mes parents ! S’ils ont besoin un jour, nous favoriserons les interventions à leur domicile.”

Autre source : Ouest France.

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